La grève de Buckingham
Journal Le Temps du 9 octobre 1906

Le 9 octobre 1906, p.5

L'ETAT DE LA GREVE A BUCKINGHAM

Les MacLaren sont accusés de tentative de meurtre

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Sept mandats d'arrestation ont été émanés ce matin, à Hull, contre Alex. MacLaren, Albert MacLaren, J. E. Vallilee, John C Cummings, J.B. Cameron, P. Fournier, et Jas Kearnan

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M. Joseph Gagnon, de Buckingham, a assermenté, ce matin, devant Mtre Wilfrid Sainte-Marie, à Hull, sept dépositions en vertu du paragraphe C de l'article 232 du code criminel, intitulé “Tentative de Meurtre.” Agissant sur la foi de ces dépositions, le grand connétable Groulx, accompagné de l'huissier Cousineau, est parti pour Buckingham immédiatement, pour opérer l'arrestation de MM. Alexandre et Albert McLaren, propriétaires des scieries, J. E. Vallilée, gérant de la compagnie McLaren et maire de Buckingham, l'huissier John C. Cummings, le frère du chef de police du village, James Kiernan, Bert Cameron, beau-frère de M. Vallilée et un ouvrier canadien-français, Philorome Fournier.

Ces sept personnes sont accusées d'avoir causé la mort de Thomas Bélanger, chef de l'union des ouvriers et de François Thérien. Il est allégué dans la plainte qu'il n'y a eu aucune provocation de la part des ouvriers, que ces derniers, comme les prévenus, étaient sur le chemin public et n'empiétaient aucunement sur la propriété privée, que personne notamment le maire, n'a lu le “riot act,” comme la loi l'exige quand il y a lieu de la part des autorités d'ordonner de faire feu, etc.

Il y aura d'abord enquête devant un tribunal de première instance, et ensuite mise en accusation devant les assises criminelles s'il y a lieu.

Il n'est pas probable que dans ce cas le procès s'instruira au prochain terme à Hull, les esprits étant trop montés pour permettre une étude froide et modérée des circonstances de la tragédie d'hier.

PAR TELEPHONE DE BUCKINGHAM

(De notre correspondant particulier)

L'excitation est encore très intense au sein de la population de Buckingham pour ce matin, mais la ville est tranquille. La présence des miliciens a eu l'effet de calmer les esprits, et rétablir la paix. Les ouvriers ont les sympathies de tout le monde presque indistinctement.

M. Ernest Bisson, qui a conduit des ouvriers toute sa vie, a été interviewé, ce matin, par le reporter du “Temps.” Il y a eu à faire à quatre différentes grèves, dont une entr'autre à Hawkesbury. Jamais il n'a été à sa connaissance que des groupes ouvriers francais se soient les premiers portés à la violence pour faire respecter leurs droits. Même si on lui disait que les ouvriers de Buckingham ont pris l'offensive, il ne le croirait pas. Il a agi comme intermédiaire plusieurs fois entre patrons et ouvriers, pour régler des grèves et toujours, il a trouvé ces derniers patients, respectueux de la propriété soumis et même obéissants. Il a donné comme exemple le fait qu'au plus fort de la grève de Hawkesbury, alors qu'une vingtaine de souleveurs de Montréal faisaient leur propagande parmi les travailleurs, M. H. K. Egan, d'Ottawa, propriétaire de scieries est allé seul, sans arme, au milieu des ouvriers, dans leur salle et que là, il leur a demandé de poser leurs conditions. M. Egan se plait à reconnaître que la réception qu'il recut fut loin d'être antipathique.

Les ouvriers de Buckingham, au dire même de l'envoyé du “Citizen”, n'ont rien fait de repréhensible jusqu'ici. Ils ont été en tout temps dignes et paisibles.

Buckingham, 9. – (2.45 heures) Le détective Warner est à la dernière extrémité. Les médecins de l'hopital Saint-Michel est abandonné tout espoir de le sauver. Il n'en a plus que pour quelques heures a vivre. Dans la ville, tout est tranquille, des centaines, de personnes suivent les progrès de l'enquête du coroner qui se poursuit depuis dix heures ce matin à l'hotel de ville, sur la mort de Bélanger et Thériault.

Les grévistes n'ont pas tenu de réunion à leur salle aujourd'hui. Une assemblée est convoquée pour ce soir : mais il n'y aura pas de manifestation dans les rues, vu que le lieutenant-colonel Hodgins, commandant les forces de la malice, a reçu ordre de disperser tous les attroupements de civiliens.

LES DRAGONS DESCENDENT

Les Dragons de la Princesse Louise viennent d'être appelés sous les armes. Ils quittent Ottawa par convoi spécial pour Buckingham à 4.30 heures, gare Centrale.

Buckingham (3 heures.) Vingt détectives de l'agence Pinkerton sont arrivés ici à onze heures cet avant midi. Ils sont sous les ordres du chef McCaskill.

Suite à la sixième page.

Le Temps, d'Ottawa, du 9 octobre 1906, #19, 0513 P050-M221, collection de la ville de Gatineau.