Le 10 octobre 1906, p.5
TOUT EST CALME A BUCKINGHAM
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Les militaires font tranquillement la patrouille sans être molestés
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Les deux frères MacLaren ont été arrêtés hier et amenés à Hull sous la'ccusation de tentative de meurtre. Ils ont comparu ce matin à la cour et leur cause a été renvoyée au 17 courant. – Ce que dit M. Maclaren de la grève de Buckingham
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(de notre envoyé spécial)
Buckingham, 10. – Si ce n'était de la présence de la milice faisant la patrouille dans les rues de la ville, rien n'indiquerait que c'est ici qu'il y a quarante-huit heures à peine, une sanglante tragédie se déroulait qui fera époque dans les annales ouvrières du Canada.
Cependant, la population est toujours alarmé et le moindre incident peut faire monter les esprits. Les hôtels sont toujours fermés et le commerce est complètement paralysé. Durant toute la journée et la veillée d'hier, les abords des quartiers généraux des grévistes une foule de ceux-ci s'est tenue rassemblée et a discuté la situation. Les deux frères Mclaren, le maire Vallilée et le chef de police qui étaient sous la protection des soldats sont partis hier soir pour Hull où ils ont comparu ce matin devant le magistrat, pour répondre à l'accusation de tentative de meurtre. Le grand connétable Groulx, de Hull, et plusieurs constables spéciaux ont quitté Buckingham avec les prévenus.
Les détectives de Montréal qui avaient été blessés légèrement dans la mêlée, et qui s'étaient retirés à l'hôtel-de-ville, sont sortis pour la première fois hier après-midi, à quatre heures. Plusieurs d'entre eux portaient des bandages à la tête et dans les rues par où ils sont passés ils ont attirés tous les regards. Les détectives ont évité de passer devant les quartiers des grévistes dans la crainte d'une attaque.
A l'hôpital Saint-Michel, les blessés qui y ont été transportés sont aussi bien que possible dans les circonstances. On a quelque espoir aujourd'hui qu'aucune des victimes ne succombera.
Dans les environs des scieries on voit très peu de monde, l'apparence des tuniques de soldats faisant le cent pas, semblent avoir pour effet d'éloigner la population. Pas un seul billot n'a été dérangé dans la rivière ni une roue des scieries n'a été mise en action depuis avant-hier.
Plusieurs personnes avec lesquelles j'ai eu des entretiens depuis mon arrivé ici, refusent de donner leur opinion sur la bagarre de lundi, mais le sentiment général est en faveur des grévistes. On dit que le trouble aurait été facilement évité si la compagnie eut montré un petit peu de diplomatie.
Pour démontrer l'état des esprits vis-à-vis des militaires et qu'il faudrait bien peu de chose pour remettre le feu aux poudres. Il suffit de lire l'incident suivant qui s'est déroulé hier matin dans un des meilleurs hôtels de la ville. Le capitaine Folkins et les lieutenants McNeil et Sparks sont entrés dans l'hôtel en question et se sont attachés pour déjeuner. Il appert que le propriétaire de l'hôtel n'aimait pas la présence chez lui des uniformes, car il leur envoya un garçon de table pour les informer que leur présence n'était pas désirable dans cet établissement, qu'ils pouvaient cependant prendre le déjeuner mais de n'y plus revenir. On conçoit de la surprise des officiers en apprenant cette nouvelle. Ils prirent leur déjeuner mais l'entrain manqua passablement.
Le colonel Hodgins et le major Morrisson ont visité hier tous les hôtels de la ville et ont informé les propriétaires que les buvettes devaient restées fermées jusqu'au jour où la ville ne sera plus sous la loi martiale. Les hôteliers qui s'attendaient à ce que les écus tomberaient dru dans la caisse sont grandement désappointés.
M. Alexander McLaren avant son départ pour Hull hier soir a au cours d'un entretien avec un journaliste, déclaré que sa compagnie considérait que les gages payées dans ses scieries, et à sa fabrique de papier étaient aussi élevées que celles payées par n'importe quelle autre industrie du district d'Ottawa. La compagnie paye quand les scieries fonctionnent environ $5,000 par semaine à ses employés. M. McLaren, dit qu'environ la moitié des employés des scieries appartiennent à l'Union et que des agitateurs étrangers ont soulevé la question de l'augmentation des gages.
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Les sept accusés de Buckingham, mis en cause pour meurtre par les grévistes ont été remis en liberté sans condition ce matin, par le juge Saint-Julien, à Hull. Les avocats Aylen et McDougall, pour les McLaren, ont allégué que le tribunal de première instance n'avait pas de juridiction, vu que la plainte était incomplète et de nul effet. Le juge a reconnu que, de fait, la plainte ne spécifie pas la date à laquelle la tuerie a eu lieu, et ne porte pas de particularités. Maitre Lorenzo Leduc, qui représentait momentanément les grévistes a demandé en conséquence qu'on lui donne jusqu'à deux heures cette après-midi, pour prouver, par des auteurs, que la plainte, telle que libellée, était suffisante, mais la cour n'a pas jugé à propos d'accorder la demande. En conséquence tous les prisonniers ont été remis en liberté.
A dix heures précises, le juge Saint-Julien était au fauteuil. Alex et Albert McLaren, le maire Vallilée, Bert Cameron, Phil. Fournier, Jas CSummings et jas. Kiernan occupaient des sièges sur les banquettes des avocats. J. Kiernan portait un bras en bandoulière et son frère, le chef de police, portant accoutrement bleu marin et plaque métallique sur la poitrine, avait des pansements sur son crâne dénudé. Peu de monde d'ailleurs dans la salle, si ce n'est quelques blessés de Buckingham et les premiers commis des McLaren, avec certains amis de ces derniers, notamment le colonel Maynard Rogers, d'Ottawa.
Les avocats Aylen et McDougall, deux des premiers juristes du comté d'Ottawa et du pays représentaient les accusés.
Lorsque M. Jos Moussette, huissier audiencier appela l'ordre, les grévistes plaignants en la cause, n'étaient pas représentés. M. Lamontagne, leur avocat, étant forcément retenu à Buckingham, et M. Sainte-Marie, son adjoint, étant parti à Gracefield. M. Lorenzo Leduc, sans être préparé, prit bravement la défense des grévistes.
La cour s'ouvrit à 10 heures.
Maitre Aylen demande l'ajournement à huit jours, alléguant que le corps de jury n'a pas encore rendu son verdict et qu'il ne saurait y avoir d'accusation de meurtre avant le prononcé du verdict. Il a allégué en sus qu'il avait eu une conversation avec le substitut du procureur-général à cet effet et que celui-ci avait reconnu qu'il ne saurait y avoir de procédure légale et régulière avant le prononcé du verdict du jury du coroner.
Mtre Leduc a insisté pour l'ajournement à 2 heures cette après-midi, soutenant qu'il représentait tout simplement M. Lamontagne, avocat des grévistes, qui arriverait par le train du midi et qui formulerait son plaidoyer en bonne et due forme.
M. Aylen a accusé les plaignants de vouloir, à force d'ajournements et d'emprisonnements temporaires des accusés, privés le village de Buckingham des autorités municipales, le maire Vallilée entr'autres, afin de laisser le village, dans l'intervalle, aux mains des grévistes.
M. Leduc a insisté dans sa demande, mais M. Aylen, se sentant faible, et venant soudain d'être conseillé par M. McDougall, changea de tactique et plaida que le tribunal n'avait pas juridiction, vu l'insuffisance de la preuve.
Le juge, très embarrassé, parlementa, si on peut employer l'expression, avec l'avocat Leduc qui dut céder et les sept mandats des plaignants furent déclarés nuls, la cour n'ayant pas juridiction.
M. Aylen chercha à obtenir les frais de cette première démarche, mais le juge maintint asez judicieusement que vu qu'il n'y avait pas de cause, il ne pouvait pas accorder les frais, ni d'un côté ni de l'autre.
M. Leduc prétend, et avec lui un juge que le reporter du “Temps” à interviewé depuis, qu'il n'était pas nécessaire, dans la plainte, vue que c'était une enquête préliminaire, de donner toutes les particularités que le juge St-Julien a exigées. Tout de même, les sept accusés sont en liberté. D'autres plaintes vont être formulées immédiatement contre les mêmes accusés, qui seront arrêtés incessament pour l'assassinat de Bélanger et Thériault.
M. Leduc a, au cours de ses remarques suivi l'exemple que M. Aylen lui avait donné et a lancé quelques paroles qui valent d'être rapportées ici. MM Aylen et McDougall, celui-ci gardant son siège, avaient accusé les grévistes de vouloir prendre possession de la ville de Buckingham. M. Leduc à un moment donné s'est écrié.